II. Terrains et constructions au Poyet au cours des siècles
2.1. Ethymologie
Selon Maurice Bossard & Jean-Pierre Chavan (auteurs de l'ouvrage "Nos lieux-dits" - Toponymie romande, Payot Lausanne, 1990), le terme de Poyet est un diminutif de "Puy" qui provient du latin "podium" et désigne une colline, un petit sommet.
2.2. Description générale
Le quartier du Poyet est situé hors de l'enceinte historique de la ville d'Aubonne en direction de Féchy, compris entre l'actuelle rue de Trévelin au Sud, la rue du Chaffard au Nord, la rue des Fossés à l'Est et le chemin de Penesson à l'Ouest. Aucune construction ne sembla y avoir été érigée avant le milieu du XVIIIe siècle, avec le transfert en 1724 du cimetière de la ville du hameau de Trévelin, à l'ouest d'Aubonne, dans le quartier du Poyet et la démolition de la porte de Trévelin ouverte sur l'enceinte à l'ouest de la bourgade (démolie après 1791). L'objet de l'étude du présent article se réfère essentiellement à l'histoire de l'évolution de l'habitat et des constructions dans la partie Est du quartier du Poyet comme indiqué ci-après :
La partie Est du quartier (depuis les anciens fossés de la ville jusqu'à l'actuelle Avenue de Savoie environ) se divise jusqu'à la fin du XVIIIe siècle en de nombreuses parcelles de surface variable désignées selon les termes de leur affectation comme "record"(grand pré clôturé), "jardin", "vigne", "verger", "chenevier" (parcelle réservée au chanvre, plante textile autrefois très cultivée; on lui réservait les terres riches et profondes) ou encore "scinfoin"; et qui appartiennent à plusieurs familles du lieu, parmi lesquelles on recense les noms de Aubrit, Bernet, Billiard, Chavanne, Colladon, Cornaz, Court, Crinsoz, Croutaz, Desplan, Grosjean, Jaccard, Minet, Monnay, Prod'hom, les parcelles les plus importantes appartenant à cette époque aux familles Crinsoz, Colladon et Croutaz . Au cours du XIXe siècle, on assiste à un regroupement des parcelles par la famille Crinsoz, probablement par rachats successifs ensuite de cessions liées à des héritages. Au début du XXe siècle, la parcelle la plus importante du quartier est du Poyet est entre les mains de la famille Crinsoz, dont l'héritage est morcellé en deux parties à la suite de la vente des propriétés de famille par les derniers héritiers à M. René Liardet (logement avec partie Nord de la parcelle) et à M. Werner Tobler (communs avec partie Sud de la parcelle), mais qui seront à nouveau réunies à la fin du XXe siècle par un nouvel acquéreur (caisse de pensions de Nestlé) dans le cadre de la réalisation de la promotion des "Vergers du Poyet", après acceptation du plan de quartier par les autorités communales.
La partie Ouest du quartier du Poyet (depuis l'actuelle avenue de Savoie jusqu'au chemin de Pénesson et au Nord jusqu'à la route du Chaffard jouxtant le domaine de Bougy-St-Martin), composée pour l'essentiel de surfaces en champs, appartient, pour la plus grande part, à LL.EE. de Berne durant la période du baillage d'Aubonne, puis aux familles de Mestral et Delessert sous le nouveau régime de l'Acte de médiation (1803), qui s'en défirent peu à peu au cours du XIX e et XXe siècles par ventes successives. Rappelons que jusqu'à la fin du du XIXe siècle (période contemporaine du nouveau tracé de la ligne du tramway Allaman-Aubonne-Gimel), aucune des artères contemporaines (Avenue du Clos d'Asper, Avenue Hermenjat, Avenue de Savoie, chemin du Jura, etc.) n'avait encore été ouverte pour la desserte du quartier, hormis les actuelles "rue de Trévelin" et la "route du Chaffard" qui composaient les deux seules voies de communication en direction de Féchy ou de Bougy.
Les données qui suivent se rapportent à l'évolution du bâti dans la partie Est du quartier du Poyet.
2.3 Aspect du quartier en 1729
Le plan de 1729 reproduit ci-dessous, levé pour la partie
Est du Poyet, devant la muraille
de la ville (actuelle rue des "Fossés-dessous") , soit à
l’époque du baillage d’Aubonne (1701-1798) et après l’affectation d’une partie
Sud du quartier au cimetière de la ville (dés 1724), donne une idée de
l'affectation des parcelles à cette époque. On
observera
en particulier que l’affectation des zones Sud et Nord du Poyet consistait pour l’essentiel à
cette époque en « chenevier », « scinfoin » ou « vignes »,
mais qu’aucune construction ne semble avoir été édifiée dans le passé sur cette
portion de l’ensemble constitué actuellement par le quartier des « Vergers du
Poyet », édifié à la fin du XX e siècle.
2.4 Aspect du quartier en 1822
L'examen du plan du Poyet ci-contre levé en 1822 permet d'observer que deux immeubles, alors propriété de la famille de M. Daniel Pictet, ont été construits depuis 1729 dans ce qui constitue "le hameau du Chaffard" au-delà de la porte de Bougy, à savoir une maison de maître (édifiée en 1803) et un immeuble adjacent à vocation agricole avec une grange abritant un pressoir. Selon le cadastre de l'époque, le propriétaire unique de ces deux immeubles, sis dans la partie supérieure du Poyet; est à cette époque Marc Pictet, fils de Daniel. La grande parcelle au sud-est (actuel quartier des "Vergers du Poyet") est alors la propriété de Jean-Sigismond Crinsoz, qui possède également la maison de maître de l'autre côté des Fossés. Sur la bande de petites parcelles bordant le cimetière à l'est, on relève l'existence d'une construction utilisée comme grange-écurie qui appartenait alors à Marc-Louis Vionnet, également propriétaire d'un immeuble sis en face de la rue des Fossés. Au-delà du plan présenté, la propriété de la partie ouest du Poyet est répartie à cette époque entre M. Henri-Georges de Mestral, propriétaire du Clos d'Asper et M. Armand Delessert, propriétaire de Bougy-St-Martin.
2.5 Le "Hameau du Chaffard" en 1867
Quelques dizaines d’années plus tard, soit en 1867, les deux bâtiments situé au Nord de la partie Est du Poyet ont changé de main et appartiennent à deux propriétaires distincts :
L'immeuble de la rue du
Chaffard 19 (construit en 1803 et propriété de la la famille Bergier en 2003) est connu sous le
nom
de "Bellevue". En 1867, il appartient alors à
Jean-Jacques Vetter (11.06.1826-11.03.1913),
d'une famille bourgeoise de Stein-am-Rhein, qui avait épousé Pauline
(1830-1907), fille du pasteur Christophe Moehrlen. Instituteur et botaniste, il
enseigna successivement à Payerne, Schleitheim, et Aubonne jusqu'en 1879.
Il fut engagé plus tard par William Barbey à Valeyres sous Rances et devint
conservateur de l'herbier Boissier. il fit avec M. Barbey de nombreux voyages
d'études dans les Alpes et dans le Midi. Il composa des herbiers de la région de
Schleitheim-Stüblingen (à l'université de Zürich) et du canton de Vaud. Mort à
Baulmes, près d'Yverdon. Il apparaît que le propriétaire d'alors hébergeait dans
sa maison 5 "pensionnaires alimentaires", parmi lesquels se trouvait un
genevois, M. Rueggen. (sources: Editions de la Société
d'histoire de la Côte - "Le dernier journal du pasteur Christophe Moehrlen" par
M. Olivier Dedie, décembre 1987, p. 13 et 28).
L'immeuble fut vendu le 28 juillet 1877 à M. Charles-Victor Bretagne,
dont les deux fils, Charles et Marc-Antoine héritèrent à son décès. Dès le 1er
août 1896, Marc-Antoine Bretagne est seul propriétaire. L'immeuble est
acquis le 30 juin 1925 par M. Alfred Bergier, docteur en médecine qui
exerça à Aubonne. Il appartient actuellement à son fils, M. Pierre Bergier,
ingénieur EPFL.
La maison vigneronne voisine sise à la rue du Chaffard 27 (propriété de la famille Rossier en 2003)
appartient
en 1867 au Sieur Charles-Louis Crinsoz
(18.09.1799-19.02.1878),
issu
d'une famille établie à Aubonne dès le XVe et où elle a possédé de nombreux
biens immobiliers et domaines, (Maison de la famille
Crinsoz à la Grand-rue avec le terrain adjacent du Poyet, château et domaine
de Trévelin, domaine de Roveray, divers immeubles et champs).
Il
vécut à Aubonne et
avait hérité du domaine de Trévelin (acquis par Jean
Crinsoz en 1777), qui échut après
à son frère
Casimir-Louis, lequel le vendit
en 1859 à la famille Perrier de Genève, qui en firent leur
résidence secondaire. Il avait épousé le 21 juillet 1826 à Grancy sa cousine germaine,
Anna-Louise-Suzanne Gleyres (20.03.1807-24.02.1891), de Cossonay, fille
de feu Louis et de Suzanne Perceret, dont il eut quatre enfants. Il apparaît en
1867 comme propriétaire de cet immeuble à vocation viticole sis au Nord de la
parcelle familiale du Poyet, qui était équipé d'un pressoir et servait
probablement de logement au vigneron, ainsi qu'au personnel d'exploitation des
vignes. A son décès en 1878, l'immeuble passe à ses enfants avant d'échoir au
terme d'un partage effectué le 16 août 1878 à sa fille Lina-Louise-Suzanne,
épouse de Georges-Edouard de Beausobres, et dont leurs enfants héritent le
22 mai 1919. L'immeuble est alors vendu le 26 décembre 1919 à Louis-Henri
Rossier, puis passe successivement par héritage à ses enfants, Lucie,
Cécile, femme de Frank Audemars, et Ernest-Henri qui reste seul propriétaire
avant de céder l'immeuble
le 22 décembre 1947 à son fils
Henri-Louis Rossier , actuel propriétaire.
Au Sud du Poyet
on note l’emplacement du « nouveau
cimetière de la ville » (déplacé de Trévelin en 1724), qui trouvait
ses limites au Sud en bordure du "chemin tendant d’Aubonne à Féchy" (rue de
Trévelin). A cette époque, la porte dite "de Trévelin" avait été démolie (1791)
et la chapelle de l’Eglise libre toujours existante n’avait pas été encore construite.
2.6 Aspect du quartier en 2003 - Vue générale des constructions
Le
plan donné ci-contre de l'état des constructions en 2003 sur la partie Est du
quartier du Poyet indique de quelle manière l'extension de l'habitat d'Aubonne
s'est faite dans ce quartier en commençant par les constructions du "Hameau du
Chaffard" (au début du XIXe siècle), puis au Sud par la construction d'un immeuble avec
atelier en 1898, suivie en 1902 des 3 immeubles sur la surface de l'ancien
cimetière (voir le sujet spécifiquement traité). L'extension se poursuivit dans
les premières décennies du XXe s. par la construction des 4 villas du chemin du
Pommier, puis par l'immeuble administratif (CPEV I) en 1958, suivie de
l'immeuble adjacent (CPEV II en 1973). M. Claude Liardet fait édifier à la
même époque (1972) une villa au Nord de sa parcelle (ancienne parcelle Crinsoz). La construction des 3 immeubles
constituant le quartier des "Vergers du Poyet" et qui coïncide avec la fin du XXe siècle, complète l'ensemble du bâti dans ce quartier.
Antérieur au parcellement de l'ancien cimetière en 1901, cet immeuble, en bordure de la rue de Trévelin, a été construit par Charles-Louis-Samuel Rochat sur une parcelle acquise le 1er juillet 1898 de Edouard Crinsoz. Sa veuve, Louise Rochat, revend l'immeuble le 21 août 1902 à Paul et Théodore Berney. Il est acquis le 12 avril 1949 par M. Robert Giger, qui y installe une petite industrie de façon de lunettes, avant d'échoir dès 1981 ensuite de succession à son fils, Raymond Giger, actuel propriétaire.
2.7. Les propriétés de la famille Crinsoz au Poyet
Le grand pré
ci-contre (mentionné comme "record"sur les plans),
occupé actuellement par les constructions du
quartier « Les Vergers du Poyet » édifiées de 1996 à
2000, appartient à cette époque à la
famille
Crinsoz,
également propriétaire de la maison de style XVIII ème siècle,
construite autour d'une cour intérieure, située de
l’autre côté de la tranchée des
fossés (comblée dès 1507), et qui
comprenait alors le logement principal au Nord et les
dépendances au Sud.
L'aile droite, où se trouvent les salons et les logements, fut acquise des derniers représentants de la famille Crinsoz par M. René Liardet, boucher, au début du XX ème siècle, et fut revendue en 2000 par ses descendants à M. et Mme Perrusclet, les actuels propriétaires, qui ont procédé à une restauration complète des lieux.
La partie composant les anciennes dépendances, qui s'appuyait au Sud sur l'ancien immeuble communal désigné sous le nom de "l'hôpital d'Aubonne" (à l'emplacement de l'actuelle rue de l'Hôtel de ville), détruit vers 1906 consécutivement à la construction de l'infirmerie d'Aubonne en direction de Féchy, fut complètement remaniée au début du XXe siècle par l'édification des deux immeuble d'habitation actuels vers les années 30.
La partie essentielle (face ouest) des anciennes dépendances fut vendue vers la fin des années 50 par Amélie-Valentine-Juliette-Jacoba Crinsoz (13.05.1894-00.00.1900) qui avait épousé M. Huguenin, à M. Werner Tobler, colonel-instructeur à la place d'armes de Bière, qui s'y établit avec sa famille. A la suite de travaux importants de transformation, le nouveau propriétaire agrandit notablement la surface habitable des locaux en utilisant la surface intérieure non construite de l'ancienne grange donnant sur la cour intérieure. Cet immeuble est resté la propriété de sa descendance.
L'immeuble adjacent au SE (dans l'angle Grand-rue - rue Hôtel de ville), édifié au début du XXe siècle, comprend plusieurs appartements et a abrité au rez-de-chaussée durant quelques décennies l'agence locale de la Banque cantonale vaudoise (BCV) avant son transfert dans les années 1970 dans le quartier du Chêne (locaux occupés en 2003 par la société "Deslarzes architectes SA"), ainsi que les locaux de la Préfecture du district d'Aubonne dans l'appartement du 1er étage depuis les années 80 jusqu'en février 2003 sous la préfecture de MM. Jean-Pierre Collet, d'Aubonne, et Jean-Jacques Roch, de Ballens, son successeur, avant son transfert dans les locaux actuels de la Place du Marché dans l'ancien immeuble de la BCV (ex-CFV) qui avait appartenu avant encore à la famille Nerfin.